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02.06.2015
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EuG: Schriftwechsel zwischen Kommission und nationaler wettbewerbsbehörde nicht öffentlich zugänglich

EuG, Urteil vom 12.5.2015 – T-623/13, Unión de Almacenistas de Hierros de España/Kommission

Tenor

1) Le recours est rejeté.

2) Unión de Almacenistas de Hierros de España supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3) La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Aus den Gründen

Cadre juridique

1. Réglementation de l’Union européenne en matière d’accès aux documents

1          Aux termes de l’article 15, paragraphe 3, TFUE :

« Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union, quel que soit leur support, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément au présent paragraphe.

[…] »

2          Ces principes et ces conditions sont fixés par le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).

3          L’article 2 du règlement n° 1049/2001 dispose :

« 1. Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement.

[…]

3. Le présent règlement s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne.

[…] »

4          Aux termes de l’article 4 du règlement n° 1049/2001, relatif aux exceptions au droit d’accès :

« [...]

2. Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

–  des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

–  des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–  des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

3. L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

4. Dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 1 ou 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.

5. Un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci.

6. Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

7. Les exceptions visées aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document. Les exceptions peuvent s’appliquer pendant une période maximale de trente ans. Dans le cas de documents relevant des exceptions concernant la vie privée ou les intérêts commerciaux et de documents sensibles, les exceptions peuvent, si nécessaire, continuer de s’appliquer au-delà de cette période. »

5          L’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001 dispose :

« Les demandes d’accès aux documents sont formulées sous forme écrite, y compris par des moyens électroniques, dans l’une des langues énumérées à l’article 314 [CE] et de façon suffisamment précise pour permettre à l’institution d’identifier le document. Le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande. »

6          Aux termes de l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001 :

« Les institutions mettent autant que possible les documents à la disposition directe du public, sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un registre conformément aux règles en vigueur au sein de l’institution concernée. »

2. Réglementation de l’Union en matière de concurrence

7          L’article 11 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), dispose :

« 1. La Commission et les autorités de concurrence des États membres appliquent les règles communautaires de concurrence en étroite collaboration.

[…]

4. Au plus tard trente jours avant l’adoption d’une décision ordonnant la cessation d’une infraction, acceptant des engagements ou retirant le bénéfice d’un règlement d’exemption par catégorie, les autorités de concurrence des États membres informent la Commission. À cet effet, elles communiquent à la Commission un résumé de l’affaire, la décision envisagée ou, en l’absence de celle-ci, tout autre document exposant l’orientation envisagée. Ces informations peuvent aussi être mises à la disposition des autorités de concurrence des autres États membres. Sur demande de la Commission, l’autorité de concurrence concernée met à la disposition de la Commission d’autres documents en sa possession nécessaires à l’appréciation de l’affaire. Les informations fournies à la Commission peuvent être mises à la disposition des autorités de concurrence des autres États membres. Les autorités nationales de concurrence peuvent également échanger entre elles les informations nécessaires à l’appréciation d’une affaire qu’elles traitent en vertu de l’article [101 TFUE] ou [102 TFUE].

[…] »

8          L’article 27, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 dispose :

« Les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. Elles ont le droit d’avoir accès au dossier de la Commission sous réserve de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. Le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles et aux documents internes de la Commission ou des autorités de concurrence des États membres. En particulier, le droit d’accès ne s’étend pas à la correspondance entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres ou entre ces dernières, y compris les documents établis en application des articles 11 et 14. Aucune disposition du présent paragraphe n’empêche la Commission de divulguer et d’utiliser des informations nécessaires pour apporter la preuve d’une infraction. »

9          Aux termes de l’article 28, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 :

« Sans préjudice de l’échange et de l’utilisation des informations prévus aux articles 11, 12, 14, 15 et 27, la Commission et les autorités de concurrence des États membres, leurs fonctionnaires, agents et les autres personnes travaillant sous la supervision de ces autorités ainsi que les agents et fonctionnaires d’autres autorités des États membres sont tenus de ne pas divulguer les informations qu’ils ont recueillies ou échangées en application du présent règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel. Cette obligation s’applique également à tous les représentants et experts des États membres assistant aux réunions du comité consultatif en application de l’article 14. »

Antécédents du litige

10        La requérante, Unión de Almacenistas de Hierros de España, a présenté à la Commission européenne le 25 février 2013 deux demandes initiales tendant à obtenir l’accès à l’ensemble de la correspondance échangée, dans le cadre prévu à l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, entre la Commission et la Comisión Nacional de la Competencia (CNC, commission nationale de la concurrence espagnole), s’agissant de deux procédures nationales ouvertes par cette dernière au titre de l’article 101 TFUE.

11        Après avoir obtenu l’avis de la CNC, la Commission a répondu aux demandes initiales de la requérante par courrier du 11 avril 2013. Elle a accordé l’accès aux accusés de réception que sa direction générale (DG) de la concurrence avait envoyés à la CNC. Elle a également indiqué que sa DG n’avait transmis aucune réponse à la suite de la communication, par la CNC, des informations mentionnées à l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003. Elle a enfin refusé l’accès aux autres documents demandés, soit, d’une part, les projets de décisions de la CNC concernant les deux procédures nationales en cause et, d’autre part, les résumés en anglais de ces deux affaires établis par la CNC.

12        Par lettre du 25 avril 2013, la requérante a, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001, présenté une demande confirmative. Elle a également présenté, dans ce même courrier, une nouvelle demande initiale visant à obtenir l’accès au registre et aux résumés des conversations éventuelles entre la Commission et la CNC concernant les deux procédures nationales ouvertes par cette dernière.

13        Par courrier du 18 septembre 2013, la Commission a rejeté explicitement la demande confirmative présentée dans le courrier du 25 avril 2013 (ci-après la « décision attaquée »).

14        Dans la décision attaquée, la Commission a retenu trois motifs, le premier, se fondant sur l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, le deuxième, tiré de l’exception relative à la protection des activités d’enquête, prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 et, le troisième, fondé sur l’exception tirée de l’atteinte au processus décisionnel de l’institution, prévue à l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du même règlement. Elle a, au surplus, refusé d’accorder, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, un accès partiel aux documents litigieux.

15        La Commission s’est, en substance, fondée sur l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation de documents tels que les documents litigieux porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées ainsi que des objectifs des activités d’enquête.

16        La Commission a indiqué que la jurisprudence de la Cour prévoit, notamment en matière de contrôle des concentrations, l’application d’une telle présomption générale.

17        Or, toujours selon la Commission, une telle présomption s’applique, par analogie, aux documents qui lui sont transmis par une autorité nationale de concurrence sur le fondement de l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003.

18        La Commission a également justifié son refus d’octroyer un accès partiel aux documents litigieux par l’existence d’une telle présomption.

19        La Commission a, par ailleurs, répondu aux arguments que la requérante avait développés dans sa demande confirmative. Elle a, notamment, indiqué que la circonstance que la requérante soit une organisation sans but lucratif était sans incidence sur le droit d’accès aux documents, étant donné que le règlement n° 1049/2001 a pour objet de garantir le droit d’accès du public en général aux documents des institutions et non d’édicter des règles destinées à protéger l’intérêt spécifique d’une personne particulière.

20        La Commission a également indiqué que le dialogue qu’elle avait instauré avec les autorités nationales de concurrence nécessitait un climat de confiance mutuelle entre elle et ces autorités et que celles-ci n’étaient disposées à engager un tel dialogue que si les opinions qu’elles émettaient dans ce contexte étaient confidentielles.

21        Enfin, la Commission a relevé qu’aucun intérêt public supérieur ne pouvait justifier la divulgation des documents litigieux.

Procédure et conclusions des parties

22        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 novembre 2013, la requérante a introduit le présent recours.

23        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– ordonner à la Commission de produire les documents dont l’accès a été refusé, afin que le Tribunal soit en mesure de procéder à leur examen et de vérifier le bien-fondé des arguments avancés dans la requête ;

– condamner la Commission aux dépens.

24        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–  rejeter le recours comme dénué de fondement ;

–  condamner la requérante aux dépens.

25        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 mai 2014, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir au soutien de la Commission.

26        Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 9 juillet 2014, la République fédérale d’Allemagne a été autorisée à intervenir dans la présente affaire, au soutien des conclusions de la Commission. La demande d’intervention ayant été déposée après l’expiration du délai visé à l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, augmenté du délai de distance prévu à l’article 102, paragraphe 2, du même règlement de procédure, la République fédérale d’Allemagne a été autorisée à présenter ses observations lors de la procédure orale, sur la base du rapport d’audience qui lui avait été communiqué.

En droit

1. Sur les conclusions aux fins d’annulation

27        La requérante soulève deux moyens. Par le premier moyen, elle allègue que la Commission n’a pas procédé à un examen concret et individuel de sa demande. Elle soutient qu’une telle absence d’examen concret et individuel entraîne l’illégalité de la décision attaquée.

28        Par le second moyen, elle conteste chacun des trois motifs retenus par la Commission (voir point 14 ci-dessus). Elle soutient qu’aucune des exceptions sur lesquelles la Commission s’est fondée dans la décision attaquée ne lui permettait de refuser l’accès aux documents litigieux et que la décision attaquée est, en conséquence, entachée d’une erreur de droit dans l’application des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, du même règlement.

Sur le premier moyen, tiré d’un défaut d’examen concret et individuel de la demande d’accès présentée par la requérante

29        Il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas procédé à un examen concret et individuel de la demande d’accès présentée par la requérante.

30        À cet égard, la Commission soutient que, dès lors qu’elle était fondée à présumer que l’accès aux documents litigieux porterait atteinte aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, et paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, elle n’était pas tenue d’examiner concrètement et individuellement si cet accès pouvait être accordé à la requérante.

31        Il convient donc d’analyser si, comme le soutient la Commission, l’application d’une présomption générale permettait, sans qu’il soit nécessaire d’examiner individuellement le contenu de chacun des documents litigieux, de justifier le refus d’accès à ces documents.

32        Or, une telle analyse s’inscrit dans le contrôle de l’application qui a été faite par la Commission des dispositions pertinentes du règlement n° 1049/2001 et donc dans l’appréciation du bien-fondé du second moyen invoqué par la requérante. Par conséquent, il y a lieu d’examiner le second moyen avant d’apporter une réponse définitive au premier.

Sur le second moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application des dispositions du règlement n° 1049/2001

33        La requérante soutient que la notion d’enquête, telle qu’elle résulte des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, renvoie à des institutions ou à des organismes de l’Union et non pas nationaux.

34        Elle fait valoir, par ailleurs, que la CNC a tiré les conséquences des enquêtes qu’elle avait conduites en adoptant des décisions finales et qu’il n’est, dès lors, plus possible pour la Commission d’invoquer valablement les exceptions tirées de la protection des activités d’enquête, des intérêts commerciaux et du processus décisionnel. La circonstance que ces décisions faisaient l’objet d’un recours contentieux à la date de la décision attaquée serait sans incidence à cet égard, dès lors qu’une éventuelle annulation juridictionnelle de ces décisions ne pourrait, en raison des règles de prescription des infractions prévues par la législation espagnole de la concurrence, entraîner la réouverture de ces enquêtes.

35        La requérante se prévaut également d’éléments tirés de sa situation particulière. À cet égard, elle invoque tout d’abord le fait que certains des documents demandés lui auraient été transmis par les autorités nationales espagnoles. Elle indique aussi qu’elle est la seule personne morale affectée par les procédures en cause.

36        La requérante précise qu’elle est une entité sans but lucratif et sans activité commerciale. Ainsi, étant donné qu’elle serait la seule personne morale affectée par les procédures en cause, la communication des documents qu’elle demande ne serait pas susceptible de porter atteinte à un intérêt commercial, au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

37        La requérante ajoute enfin que la Commission, dans les circonstances de l’espèce, n’était engagée dans aucun processus de prise de décision, au sens de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, et que, en outre, les documents litigieux n’avaient pas le caractère de documents internes.

38        La Commission, en se fondant, notamment, sur une présomption générale selon laquelle la divulgation de documents tels que les documents litigieux porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises concernées ainsi que des objectifs des activités d’enquête, soutient que les arguments de la requérante ne peuvent être accueillis.

39        Il y a lieu tout d’abord d’examiner si la Commission a fait une exacte application des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001. À cette fin, il convient, dans un premier temps, de vérifier si les documents litigieux, lesquels ont été transmis à la Commission par une autorité nationale de concurrence sur le fondement de l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, relèvent d’une activité mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, puis, dans un second temps, d’examiner si une présomption générale est applicable à de tels documents.

Documents relevant d’une activité mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001

40        À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu des exceptions figurant à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, les institutions, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé, refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte, respectivement, à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée ou à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit.

41        Il est constant que les documents transmis à la Commission par la CNC l’ont été sur le fondement de l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003.

42        L’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 dispose que les autorités de concurrence des États membres, avant l’adoption d’une décision ordonnant la cessation d’une infraction, acceptant des engagements ou retirant le bénéfice d’un règlement d’exemption par catégorie, communiquent à la Commission un résumé de l’affaire, la décision envisagée et, sur demande de la Commission, d’autres documents en leur possession nécessaires à l’appréciation de l’affaire.

43        En premier lieu, les informations transmises en l’espèce à la Commission ont été réunies par la CNC dans le cadre d’une enquête relative à l’application de l’article 101 TFUE dont le but était de rassembler des informations et des preuves suffisantes pour réprimer des pratiques concrètes contraires à cette disposition (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2013, Pays-Bas/Commission, T380/08, Rec, EU:T:2013:480, point 33).

44        La circonstance que l’enquête en cause soit diligentée par une autorité publique d’un État membre et non par une institution est sans incidence sur l’inclusion des documents dans le champ d’application de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T391/03 et T70/04, Rec, EU:T:2006:190, points 121 à 124). En effet, il ne ressort pas du libellé de cette disposition que les activités d’inspection, d’enquête et d’audit visées soient seulement celles des institutions de l’Union, contrairement à ce qu’il en est s’agissant de l’article 4, paragraphe 3, du même règlement, lequel vise à protéger le processus décisionnel « de l’institution ». De plus, la Cour a jugé que le processus décisionnel institué par l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, relatif aux documents émanant d’un État membre, exigeait que l’institution et l’État membre concernés s’en tiennent aux exceptions matérielles prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, de ce même règlement. Or, elle a ajouté que la protection des intérêts légitimes des États membres était susceptible d’être assurée au titre desdites exceptions (arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C64/05 P, Rec, EU:C:2007:802, point 83). Ces exceptions doivent donc être analysées comme visant non seulement à protéger les activités des institutions de l’Union, mais aussi des intérêts qui sont propres à un État membre, par exemple la protection des activités d’inspection, d’enquête et d’audit que poursuivent les services relevant de l’autorité de cet État membre.

45        En second lieu, lorsqu’elle vérifie, comme c’est le cas s’agissant des deux procédures nationales en cause en l’espèce (voir point 10 ci-dessus), si une ou plusieurs entreprises se sont engagées dans des comportements collusoires susceptibles d’affecter la concurrence de manière significative, la CNC recueille des informations commerciales sensibles, relatives aux stratégies commerciales des entreprises impliquées, aux montants de leurs ventes, à leurs parts de marché ou à leurs relations commerciales, de sorte que l’accès aux documents d’une telle procédure peut porter atteinte à la protection des intérêts commerciaux desdites entreprises (voir, par analogie, arrêt Pays-Bas/Commission, point 43 supra, EU:T:2013:480, point 34).

46        En conséquence, les documents litigieux, lesquels sont issus d’une procédure diligentée par une autorité de concurrence d’un État membre agissant en vertu de l’article 101 TFUE, relèvent d’une activité d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, et leur divulgation est susceptible de porter atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de ce règlement.

47        Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a pu, dans la décision attaquée, estimer que les documents litigieux entraient dans le champ d’application des dispositions mentionnées au point 46 ci-dessus.

48        Il y a lieu cependant de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation a été demandée, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001. L’institution concernée doit également fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès audit document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à cet article (voir arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C365/12 P, Rec, EU:C:2014:112, point 64 et jurisprudence citée).

49        Or, ainsi qu’il a été dit au point 29 ci-dessus, la Commission n’a pas procédé, dans la décision attaquée, à un examen concret et individuel de la demande d’accès présentée par la requérante.

50        Toutefois, la Commission a justifié son refus d’octroyer un accès aux documents litigieux en se fondant sur l’existence d’une présomption générale (voir points 15 à 18 ci-dessus).

51        Il convient donc d’examiner si une telle présomption est applicable aux documents transmis à la Commission par une autorité nationale de concurrence sur le fondement de l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003.

Application d’une présomption générale

52        À titre liminaire, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre ont un droit d’accès aux documents des institutions, des organes et des organismes de l’Union sous réserve des principes et des conditions qui sont fixés conformément à la procédure législative ordinaire. Le règlement n° 1049/2001 vise à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible. Il ressort également de ce règlement, notamment de l’article 4 de celui-ci, qui prévoit un régime d’exceptions à cet égard, que ce droit d’accès n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (arrêt Commission/EnBW, point 48 supra, EU:C:2014:112, point 61).

53        Ainsi, la Cour a déjà reconnu l’existence de présomptions générales, notamment, en ce qui concerne les documents du dossier administratif afférent à une procédure de contrôle des aides d’État (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C139/07 P, Rec, EU:C:2010:376, point 61), les documents échangés entre la Commission et les parties notifiantes ou des tiers dans le cadre d’une procédure de contrôle des opérations de concentration entre entreprises (arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C404/10 P, Rec, EU:C:2012:393, point 123, et Commission/Agrofert Holding, C477/10 P, Rec, EU:C:2012:394, point 64) et les documents figurant dans un dossier relatif à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (arrêt Commission/EnBW, point 48 supra, EU:C:2014:112, point 81).

54        En matière de contrôle des concentrations et de sanction des ententes, la Cour a jugé que la Commission était en droit de présumer que la divulgation des documents dont il était question dans ces affaires portait, en principe, atteinte à la protection des intérêts commerciaux des entreprises impliquées dans ces procédures ainsi qu’à la protection des objectifs des activités d’enquête relatives à de telles procédures au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001 (arrêts Commission/Éditions Odile Jacob, point 53 supra, EU:C:2012:393, point 123, et Commission/EnBW, point 48 supra, EU:C:2014:112, point 80). La Cour a également précisé que les exceptions relatives à la protection des intérêts commerciaux et à celle des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit des institutions de l’Union étaient étroitement liées (arrêts Commission/Éditions Odile Jacob, point 53 supra, EU:C:2012:393, point 115, et Commission/EnBW, point 48 supra, EU:C:2014:112, point 79).

55        Pour retenir l’existence d’une présomption, la Cour s’est, notamment, fondée sur le fait que les exceptions au droit d’accès aux documents, qui figurent à l’article 4 de ce règlement, ne sauraient, lorsque les documents visés par la demande d’accès relèvent d’un domaine particulier du droit de l’Union, être interprétées sans tenir compte des règles spécifiques régissant l’accès à ces documents (arrêt Commission/EnBW, point 48 supra, EU:C:2014:112, point 83).

56        Or, des règles spécifiques régissent l’accès aux documents transmis à la Commission par une autorité nationale de concurrence sur le fondement de l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003.

57        Ainsi, il est énoncé au considérant 15 du règlement n° 1/2003 qu’il « convient que la Commission et les autorités de concurrence des États membres forment ensemble un réseau d’autorités publiques appliquant les règles [de l’Union en matière] de concurrence en étroite coopération [et que, à] cette fin, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes d’information et de consultation ». Selon le considérant 32 du règlement n° 1/2003, « il convient d’assurer que la confidentialité des informations échangées au sein du réseau soit protégée ».

58        De plus, l’article 27, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 prévoit que même les parties visées par une procédure menée par la Commission au titre de l’article 101 TFUE n’ont pas accès aux documents établis en application de l’article 11 dudit règlement. A fortiori, le règlement n° 1/2003 exclut donc que toute autre personne puisse accéder à de tels documents.

59        Enfin, en vertu de l’article 28, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, les fonctionnaires et agents de la Commission et des autorités de concurrence des États membres sont tenus de ne pas divulguer les informations qu’ils ont recueillies ou échangées et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel.

60        Ainsi, le règlement n° 1/2003 vise, notamment, à assurer la confidentialité des informations et le respect du secret professionnel dans les procédures d’application de l’article 101 TFUE, et ce, en particulier, dans le cadre du mécanisme d’information instauré au sein du réseau d’autorités publiques assurant le respect des règles de l’Union en matière de concurrence.

61        Un tel objectif se justifie, notamment, par le fait que, dans ces procédures, sont en cause des informations commerciales éventuellement sensibles ainsi que le rappelle le considérant 32 du règlement n° 1/2003, selon lequel « [t]out en assurant les droits de la défense des entreprises concernées, et notamment le droit d’accès au dossier, il est indispensable de protéger le secret des affaires ».

62        Le règlement n° 1/2003 poursuit donc, en matière d’accès aux documents, un objectif différent de celui poursuivi par le règlement n° 1049/2001, lequel vise à faciliter au maximum l’exercice du droit d’accès aux documents ainsi qu’à promouvoir les bonnes pratiques administratives en assurant la plus grande transparence possible du processus décisionnel des autorités publiques ainsi que des informations qui fondent leurs décisions (voir, en ce sens, arrêt Commission/EnBW, point 48 supra, EU:C:2014:112, point 83).

63        Par ailleurs, il importe d’ajouter que, selon la jurisprudence de la Cour, l’activité administrative de la Commission n’exige pas la même étendue de l’accès aux documents que celle requise par l’activité législative d’une institution de l’Union (arrêt Commission/EnBW, point 48 supra, EU:C:2014:112, point 91). Or, c’est dans le cadre de son activité administrative que la Commission participe au réseau d’autorités publiques assurant le respect des règles de l’Union en matière de concurrence.

64        Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il existe une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents transmis au titre de l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 porte, en principe, atteinte tant à la protection des intérêts commerciaux des entreprises sur lesquelles portent les informations en cause qu’à celle, qui lui est étroitement liée (voir point 54 ci-dessus), des objectifs des activités d’enquête de l’autorité de concurrence nationale concernée.

65        C’est au regard de cette présomption qu’il convient d’apprécier le bien-fondé des objections présentées par la requérante relatives aux conditions d’application des premier et troisième tirets de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

Sur les objections présentées par la requérante relatives aux conditions d’application des premier et troisième tirets de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001

66        À titre liminaire, il convient de relever que la présomption générale mentionnée précédemment n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un document donné, dont la divulgation est demandée, n’est pas couvert par cette présomption ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ce document, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 (arrêt Commission/EnBW, point 48 supra, EU:C:2014:112, point 100).

67        À cet égard, en premier lieu, la requérante fait valoir, que les procédures conduites par la CNC seraient définitivement clôturées. En second lieu, la requérante se prévaut d’éléments tirés de sa situation particulière, lesquels justifieraient qu’il lui soit donné accès aux documents litigieux.

68        Il convient d’examiner successivement chacun de ces deux arguments.

– Sur la circonstance que les procédures conduites par la CNC seraient définitivement clôturées

69        Afin de répondre à cet argument, il y a lieu de déterminer, pour des documents tels que ceux en cause en l’espèce, la période au cours de laquelle s’applique la présomption générale mentionnée au point 64 ci-dessus.

70        À cet égard, il convient de rappeler que, en matière de contrôle des concentrations par la Commission, la Cour a jugé que la présomption s’appliquait indépendamment de la question de savoir si la demande d’accès concerne une procédure de contrôle déjà clôturée ou une procédure pendante (arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 53 supra, EU:C:2012:393, points 124 et 125).

71        En effet, premièrement, l’accès du public aux informations sensibles concernant les activités économiques des entreprises impliquées est susceptible de porter atteinte à leurs intérêts commerciaux, indépendamment de l’existence d’une procédure de contrôle pendante. Deuxièmement, la seule perspective d’un tel accès du public à ces informations après la clôture de cette procédure risquerait de nuire à la disponibilité des entreprises à collaborer lorsqu’une telle procédure est pendante. Troisièmement, aux termes de l’article 4, paragraphe 7, du règlement n° 1049/2001, les exceptions concernant les intérêts commerciaux ou les documents sensibles peuvent s’appliquer pendant une période de 30 ans, voire au-delà de cette période si nécessaire (arrêt Commission/Éditions Odile Jacob, point 53 supra, EU:C:2012:393, points 124 et 125).

72        Le même raisonnement a été appliqué par le Tribunal en matière de contrôle des ententes par la Commission (arrêts Pays-Bas/Commission, point 43 supra, EU:T:2013:480, points 43 et 44, et du 7 octobre 2014, Schenker/Commission, T534/11, Rec, EU:T:2014:854, points 58 et 59).

73        Il convient, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 71 cidessus, d’appliquer également ce raisonnement aux documents litigieux et, en conséquence, d’écarter l’argument de la requérante tiré du fait que les procédures en cause conduites par la CNC seraient définitivement clôturées.

74        Il convient également d’écarter l’interprétation des points 98 et 99 de l’arrêt Commission/EnBW, point 48 supra (EU:C:2014:112), proposée lors de l’audience par la requérante.

75        Selon cette interprétation, la Cour aurait jugé que, lorsque la décision finale faisant suite à une enquête en matière d’entente revêtait un caractère définitif, les activités d’enquête pouvaient être considérées comme achevées et, dès lors, que l’exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête et celle, qui lui est étroitement liée, relative à la protection des intérêts commerciaux n’étaient plus applicables.

76        Il convient de rappeler que, dans cette affaire, où était contesté le refus d’accès à des documents de la procédure ayant conduit à l’adoption par la Commission d’une sanction en matière d’entente, le Tribunal avait, en première instance, conclu que la divulgation des documents demandés n’était pas susceptible de porter atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête relative à cette procédure. Or, la Cour, se fondant sur le fait que le Tribunal avait par ailleurs constaté que, à la date d’adoption de la décision contestée, des recours étaient pendants contre la sanction adoptée par la Commission, s’est bornée, dans le cadre du pourvoi qui lui était adressé, à censurer la conclusion à laquelle le Tribunal était parvenu.

77        À titre surabondant, à supposer même que l’interprétation proposée par la requérante des points 98 et 99 de l’arrêt Commission/EnBW, point 48 supra (EU:C:2014:112), puisse être retenue, il n’en demeure pas moins, s’agissant des documents litigieux, que la présomption générale mentionnée au point 64 ci-dessus devrait continuer à s’appliquer après la clôture définitive des procédures conduites par la CNC.

78        En effet, en premier lieu, le bon fonctionnement du mécanisme d’échange d’informations, instauré au sein du réseau d’autorités publiques assurant le respect des règles de l’Union en matière de concurrence, implique que les informations ainsi échangées demeurent confidentielles (voir points 57 à 60 ci-dessus). Si toute personne était en mesure, sur le fondement du règlement nº 1049/2001, d’accéder aux documents communiqués par les autorités de concurrence des États membres à la Commission, la garantie de protection renforcée s’attachant aux informations transmises, sur laquelle repose ce mécanisme, serait mise en cause. Il y a lieu d’ajouter que le règlement n° 1/2003 ne prévoit pas que cette protection doive cesser après la clôture définitive des activités d’enquête ayant permis de recueillir ces informations.

79        En second lieu, la limitation de la période au cours de laquelle s’applique une présomption générale ne pourrait, dans ce contexte particulier, se justifier par la prise en compte du droit à réparation dont bénéficient les personnes lésées par une violation de l’article 101 TFUE.

80        Certes, ce droit est susceptible de constituer un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, notamment parce qu’il renforce le caractère opérationnel des règles de l’Union relatives à la concurrence en contribuant ainsi au maintien d’une concurrence effective dans l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2011, Pfleiderer, C360/09, Rec, EU:C:2011:389, point 29 ; du 6 juin 2013, Donau Chemie e.a., C536/11, Rec, EU:C:2013:366, point 23, et Commission/EnBW, point 48 supra, EU:C:2014:112, points 104 et 108).

81        À cet égard, il convient de relever que les documents figurant dans un dossier relatif à une procédure d’application de l’article 101 TFUE diligentée par la Commission sont susceptibles de contenir des informations permettant à des personnes d’obtenir réparation des préjudices que leur aurait causés un comportement susceptible de restreindre ou de fausser la concurrence.

82        Toutefois, les documents litigieux dans la présente affaire, à savoir la décision envisagée par l’autorité de concurrence nationale et le résumé de l’affaire, dont la transmission est prévue à l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, ne concernent pas une enquête de la Commission, mais une enquête diligentée par une autorité nationale de concurrence. Ce n’est pas dans les documents litigieux, mais dans le dossier d’enquête de l’autorité nationale de concurrence concernée, que pourraient, le cas échéant, figurer les éléments de preuve nécessaires pour fonder une demande en réparation, quand bien même ces documents se référeraient à de tels éléments. Ainsi, les personnes qui s’estimeraient lésées par une violation de l’article 101 TFUE pourraient demander l’accès aux documents afférents à cette procédure à l’autorité nationale compétente et les juridictions nationales éventuellement saisies pourraient mettre en balance au cas par cas, en vertu du droit national, les intérêts justifiant la communication des informations en cause et ceux justifiant la protection de celles-ci (voir, en ce sens, arrêt Donau Chemie e.a., point 80 supra, EU:C:2013:366, point 34).

83        En conséquence, le droit de toute personne à obtenir réparation du préjudice que lui aurait causé un comportement susceptible de restreindre ou de fausser la concurrence n’impose pas de limiter à la période antérieure à la date à laquelle il peut être constaté que l’enquête est définitivement clôturée la période pendant laquelle peut s’appliquer la présomption relative aux exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, lorsque les documents en cause sont la décision envisagée par l’autorité de concurrence nationale et le résumé de l’affaire.

84        Il résulte de ce qui précède que l’argument de la requérante tiré du caractère définitif de la clôture de l’enquête doit, en tout état de cause, être écarté.

– Sur les arguments tirés de la situation particulière de la requérante

85        En premier lieu, la requérante invoque le fait que certains des documents demandés lui auraient été transmis par les autorités nationales espagnoles. Elle indique également qu’elle est la seule personne morale affectée par les procédures en cause.

86        À cet égard, il convient de rappeler que le règlement n° 1049/2001 a pour objet d’ouvrir un droit d’accès du public en général aux documents des institutions et non d’édicter des règles destinées à protéger l’intérêt spécifique que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à l’un de ceux-ci (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C266/05 P, Rec, EU:C:2007:75, point 43).

87        Cela ressort notamment de l’article 2, paragraphe 1, de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, ainsi que de l’intitulé et des quatrième et onzième considérants de ce règlement. La première de ces dispositions garantit, en effet, indistinctement le droit d’accès à tout citoyen de l’Union et à toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre, la deuxième spécifiant à cet égard que le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande. L’article 12, paragraphe 1, dudit règlement prévoit que les institutions mettent autant que possible les documents à la disposition « directe » du public, sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un registre. L’intitulé du règlement n° 1049/2001 ainsi que les quatrième et onzième considérants de celui-ci soulignent également que ce règlement a pour objet de rendre les documents des institutions accessibles au « public » (arrêt Sison/Conseil, point 86 supra, EU:C:2007:75, point 44).

88        L’analyse des travaux ayant conduit à l’adoption du règlement n° 1049/2001 révèle d’ailleurs que la possibilité d’étendre l’objet de ce règlement en prévoyant la prise en compte de certains intérêts spécifiques dont pourrait se prévaloir une personne aux fins d’obtenir l’accès à un document particulier a été examinée. C’est ainsi, notamment, que le trente et unième amendement contenu dans la proposition législative figurant dans le rapport de la commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen suggérait l’introduction d’un article 4, paragraphe 1, bis nouveau dans la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2000, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO C 177 E, p. 70), selon lequel, « [l]orsqu’elle examine l’intérêt du public à la divulgation du document, l’institution prend également en compte l’intérêt invoqué par un pétitionnaire, un plaignant ou un autre bénéficiaire ayant un droit, un intérêt ou une obligation en la matière ». De même, le septième amendement proposé dans l’avis rendu par la commission des pétitions du Parlement européen figurant dans le même rapport visait-il à l’insertion d’un paragraphe dans l’article 1er de ladite proposition de la Commission, aux fins de préciser qu’« [u]n pétitionnaire, un plaignant ou toute autre personne, physique ou morale, dont les droits, les intérêts ou les obligations dans une affaire sont en cause (une partie à cette affaire) ont également le droit d’accéder à un document qui n’est pas accessible au public, mais qui peut influer sur l’examen de l’affaire comme prévu dans le présent règlement et dans les dispositions adoptées par les institutions ». Or, à cet égard, force est de constater qu’aucune des propositions ainsi formulées n’a été reprise dans les dispositions du règlement n° 1049/2001 (arrêt Sison/Conseil, point 86 supra, EU:C:2007:75, point 45).

89        Par ailleurs, si le régime des exceptions prévu à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 est fondé sur une mise en balance des intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, à savoir, d’une part, les intérêts qui seraient menacés par la divulgation des documents concernés et, d’autre part, ceux qui seraient favorisés par cette divulgation, s’agissant de ces derniers, seul un intérêt public supérieur peut être pris en compte.

90        Il résulte des considérations qui précèdent que l’intérêt particulier d’un demandeur à obtenir la communication de documents ainsi que sa situation individuelle ne sauraient, sauf lorsqu’ils se rattachent à un intérêt public supérieur, être pris en compte par l’institution appelée à se prononcer sur la question de savoir si la divulgation au public de ces documents porterait atteinte aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2010, Umbach/Commission, T474/08, EU:T:2010:443, point 70).

91        Il est vrai que le Tribunal a admis, d’une part, qu’une institution ne pouvait, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001, refuser l’accès à des documents aux motifs que leur divulgation porterait atteinte à la vie privée et à l’intégrité d’un individu, lorsque les documents en cause contiennent des données personnelles qui concernent exclusivement le demandeur d’accès et, d’autre part, que, dans une telle hypothèse, le droit de ce dernier à en obtenir la divulgation sur le fondement du droit d’accès aux documents des institutions ne saurait avoir pour conséquence d’ouvrir un droit d’accès du public en général auxdits documents (arrêt du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T300/10, Rec, EU:T:2012:247, points 107 à 109).

92        Cependant, en l’espèce, la Commission ne s’est pas fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1049/2001 pour adopter la décision attaquée.

93        En conséquence, c’est à bon droit que la Commission a estimé, dans la décision attaquée, que les éléments dont se prévalait la requérante, lesquels étaient tirés de sa situation individuelle et ne se rattachaient à aucun intérêt public supérieur, ne devaient pas être pris en compte aux fins de déterminer si la divulgation des documents litigieux porterait atteinte aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

94        En tout état de cause, s’agissant de la circonstance selon laquelle la requérante serait la seule personne morale affectée par les procédures en cause, celle-ci admet que, s’agissant d’une des deux procédures nationales ouvertes par la CNC, une autre personne morale est concernée. De plus, il n’est pas exclu que des éléments relatifs à des personnes non visées par ces procédures figurent dans les documents litigieux. À cet égard, la Commission a indiqué, sans que cela soit contesté, que ces documents contiennent des informations confidentielles sur d’autres personnes physiques et morales. L’allégation de la requérante ne saurait en conséquence être regardée comme établie.

95        En second lieu, la requérante précise qu’elle est une entité sans but lucratif et sans activité commerciale. Ainsi, dans la mesure où elle serait la seule personne affectée par les procédures nationales en cause, il ne pourrait être porté atteinte à aucun intérêt commercial, au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

96        Cet argument doit être écarté. En effet, il ne permet pas d’établir l’existence d’un intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

97        En tout état de cause, ainsi qu’il a été dit plus haut, il n’est pas établi que la requérante soit la seule personne affectée par ces procédures nationales. De plus, la Commission rétorque à bon droit, d’une part, que la requérante constitue une association d’entreprises et, d’autre part, qu’elle a été sanctionnée sur le fondement de l’article 101 TFUE, c’est-à-dire au titre d’agissements qui ont été considérés comme susceptibles d’affecter le commerce entre États membres.

98        Il résulte des développements qui précèdent que le second moyen soulevé par la requérante doit être écarté en tant qu’il vise les motifs de la décision attaquée relatifs à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001.

99        Or, ces motifs sont, à eux seuls, suffisants pour justifier légalement cette décision. Dans ces conditions, les vices dont pourrait être entaché l’autre motif de la décision, relatif à l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1049/2001, sont, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de celle-ci. Le grief invoqué par la requérante par lequel celle-ci conteste spécifiquement ce dernier motif est, en conséquence, inopérant et doit, dès lors, être écarté (arrêt du 6 novembre 1990, Italie/Commission, C86/89, Rec, EU:C:1990:373, point 20).

100       Par ailleurs, il convient de relever que la demande d’accès introduite en l’espèce par la requérante visait à obtenir l’accès à l’ensemble de la correspondance échangée dans le cadre prévu à l’article 11, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003 entre la Commission et la CNC s’agissant de deux procédures nationales ouvertes par cette dernière au titre de l’article 101 TFUE (voir point 10 ci-dessus). Il s’agissait donc d’une demande globale. Dans ce type de situation, la reconnaissance d’une présomption générale selon laquelle la divulgation de documents d’une certaine nature porterait, en principe, atteinte à la protection de l’un des intérêts énumérés à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 permet à l’institution concernée de traiter une demande globale et de répondre à celle-ci de la manière correspondante sans procéder à un examen concret et individuel de chacun des documents pour lesquels un accès a été demandé (voir arrêts Commission/EnBW, point 48 supra, EU:C:2014:112, points 67 et 68 et jurisprudence citée, et du 19 novembre 2014, Ntouvas/ECDC, T223/12, EU:T:2014:975, point 34 et jurisprudence citée).

101       En conséquence, l’ensemble du second moyen doit être écarté.

102       Par suite et compte tenu du fait que la présomption générale mentionnée au point 64 ci-dessus était applicable en l’espèce et qu’aucun intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents litigieux n’a été établi par la requérante, il convient d’écarter le premier moyen, tiré de l’absence d’examen concret et individualisé de la demande d’accès à ces documents.

103       Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en annulation doivent être rejetées dans leur ensemble.

2. Sur les conclusions tendant à l’adoption de mesures d’organisation de la procédure

104       La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’ordonner à la Commission de produire les documents dont l’accès a été refusé, afin que le Tribunal soit en mesure de procéder à leur examen et de vérifier le bien-fondé des arguments avancés dans la requête.

105       À cet égard, il y a lieu de rappeler que le contrôle juridictionnel d’une décision de refus d’accès à des documents doit porter sur la motivation sur laquelle elle est fondée. Ainsi, si cette motivation s’appuie sur la pondération des effets que la divulgation du document doit produire sur certains biens, valeurs ou intérêts, son contrôle ne sera possible que dans la mesure où le Tribunal pourra se forger son propre jugement quant au contenu matériel du document (conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C135/11 P, Rec, EU:C:2012:118, point 73). Dans une telle hypothèse, il appartient au Tribunal d’effectuer la consultation du document in camera (arrêt du 21 juin 2012, IFAW Internationaler Tierschutz-Fonds/Commission, C135/11 P, Rec, EU:C:2012:376, point 73).

106       Cependant, en application d’une présomption générale, l’institution peut répondre à une demande globale sans procéder à un examen concret et individuel de chacun des documents pour lesquels un accès a été demandé (arrêt Commission/EnBW, point 48 supra, EU:C:2014:112, points 67, 68, 127 et 128).

107       Or, une telle présomption est applicable en l’espèce. De plus, la requérante n’est parvenue à démontrer ni qu’un des documents dont la divulgation est demandée échappait au champ d’application de cette présomption, ni qu’il existait un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ce document.

108       Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal de procéder lui-même à une appréciation in concreto de chacun des documents demandés aux fins de s’assurer que l’accès à ces documents porterait atteinte aux intérêts invoqués.

109       Il résulte de ce qui précède que la demande de mesure d’organisation de la procédure doit être rejetée.

110       En conséquence, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

111       Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, elle supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

112       Par ailleurs, selon l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Il convient de faire application de ces dispositions à la République fédérale d’Allemagne.

Par ces motifs,

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